Fred aux jeunes du quartier : « Allez venez courir avec moi »


25 Octobre 2018


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Au collège Rosa Parks


Il a 44 ans mais a toujours été des leurs, des jeunes de Villejean. C'est de famille, la famille Benberghout, enracinée et engagée de tout temps. Fred, qu'on avait « enterré au CP », est devenu prof, un prof de sport, un entraineur de foot passionné aussi. Et surtout un éducateur bouillonnant.

Il arrive au Provençal. Et à peine attablé, ses mots courent déjà. « Ça fait 28 ans que je suis dans le social positif », résume-t-il d'emblée. Il faut qu'on aille vite, c'est vrai : « Je zappe beaucoup, je fais beaucoup de choses à la fois... » Comme quoi,  il ne faut jamais condamné un gamin ! « On m'avait enterré au CP. J'ai redoublé. Problème de locution verbale. J'ai revu l'instit plus tard à l'IUFM : "Tu te rappelles de moi ?" - "Je n'étais pas préparé", a-t-il reconnu. »

Sa chance a été avant tout le foyer familial. « Je suis d'une famille très nombreuse et de double culture. Je dois tout à mes parents, leur système de valeurs, le respect de la République, la laïcité. Mes frères et sœurs ont fait des études et c'est à mes sœurs que je dois la réussite scolaire. » Il n'y avait pas beaucoup de sous à la maison, « j'ai connu l'assistance sociale, on recevait des vêtements, des bons pour manger », mais il y avait ces valeurs familiales et elles ont construit le jeune Fred. 

A 16 ans, le voilà à la Maison Verte, piloté pour son Bafa par la directrice Fabienne Faizant. Le « social positif »  vient de commencer. « La Maison Verte, le Cercle Paul Bert, la Maison de Quartier, m'ont permis de m'épanouir », poursuit Fred Benberghout. Avec notamment les valeurs du foot, commencé à 8 ans au Cercle Paul Bert de Villejean, poursuivi jusqu'au Stade Rennais aux côtés des Wiltord et Heurtebis, et qui demeure au cœur de son action éducative.

Après quelques détours, Fred Benberghout est revenu à son collège de Villejean, master STAPS en poche, prof d'EPS. Il est avec ses élèves de Rosa Parks comme avec les autres jeunes qu'il croise dans Villejean : « Quand je vois un jeune dans le quartier, je ne vais pas juger s'il boit, fume... Je lui dis de venir courir avec moi, là tu sues, tu te retrouves. Quand tu ne fais rien, quand tu restes avec ta vidéo, ta tablette, tu ne vois même pas ton corps évoluer... »

Entrainement au FC Beauregard
« Les parents étaient admiratifs : "Il fait ça !" »

« Il y a trois choses importantes, résume Fred Benberghout : la sphère privée, la famille ; la sphère associative, le sport ; la sphère intellectuelle, l'école, la culture. Aucune ne doit manquer. » Alors le fou de foot, qui part après ses cours entraîner les jeunes de l'école de foot du FC Beauregard, n'aime rien tant que de marier la culture et le sport.

Avec Sadia Alami, d'Unis-Cité, il s'est fait chorégraphe pour le Concours National de la Résistance et de la Déportation "S’engager pour libérer la France" qui ont valu à des collégiens Rosa Parks de cultures diverses un prix de danse et expression corporelle. Rosa Parks a une classe à horaires aménagés danse (CHAD) : « Je fais découvrir la danse contemporaine à des élèves filles et garçons. Le langage corporel peut être plus fort que le langage verbal, donner plus d'émotion. Ça lutte contre les préjugés, les clichés sexuels. Ils vont rigoler au départ mais après... J'ai fait venir les parents, ils étaient admiratifs : "Il fait ça !" »

Cette année, Fred Berbenghout prépare des enfants migrants à participer au spectacle du danseur Rachid Ouramdane « Franchir la nuit », au TNB  en mars 2019. Il est engagé dans l'UPE2A, en clair l'Unité pédagogique pour élèves allophones arrivants non scolarisés antérieurement. Un projet handisport a aussi été lancé. 

Sur la Dalle :  « Bonjour Monsieur Benberghout ! »

Pourquoi court-il toujours ainsi ? Sûrement pour partager ce qu'il a eu de la chance d'avoir étant jeune. « Quand j'étais enfant, les gens venaient de partout aux alentours, de Vezin, de Pacé... Aujourd'hui, il y a peu de mixité sociale, culturelle ; les étudiants non plus ne se mélangent pas. »

Il est sans doute plus difficile aujourd'hui pour les jeunes de se construire. Alors Fred Benberghout n'est pas prêt de les laisser tomber. « Les jeunes, poursuit-il, sont dans des projets à court terme et ils ont du mal à se positionner par rapport à la famille, la cité, la politique. Ce qui cloche  surtout, c'est que les jeunes ados se replient sur eux-mêmes et ne se sentent forts qu'en groupe. Il leur manque de croire en eux, ils ont le complexe : "Je ne vais pas réussir" ». 

« Mais le jeune a un système de ressources !, se reprend-il. En général, il aime le sport. Il faut lui donner une culture de l'effort. Et l'encourager à lire, lire... Le déclic, c'est le copain ou la copine, une rencontre, une référence. C'est un travail de longue haleine. Le social, ça épuise mais j'aime ça, surtout les endroits mixtes, c'est là que je rigole le plus ! »

Malgré tout, les années passant, le prof de Rosa Parks sent qu'il doit évoluer. « Il est temps pour moi, confie-t-il, d'aller vers le lycée et de me consacrer davantage à ma vie privée. » A ses enfants de 5,7 et 12 ans avec qui il aime tant aller taper le ballon le samedi, le dimanche. Mais la Dalle, sûrement qu'il ne la quittera jamais. La Dalle où il croise souvent d'anciens élèves :  « Il me disent "Bonjour Monsieur Benberghout !" » En réponse, Fred, l'ami prof,  leur « laisse un sourire, un clin d'oeil, une tape sur l'épaule... » 

Michel Rouger   Retour au blog  Villejean résiste aux violences